Les Conditions Attachées À La Prière : L’humilité

Les conditions externes de la prière rituelle sont réglementées en fonction de la jurisprudence islamique (fiqh). Une prière qui n’observe pas les prescriptions fixées par la loi islamique ne peut être acceptée. De plus, une prière accomplie sans humilité ne peut pas être non plus honorée. De ce fait, une prière correctement accomplie doit allier les prescriptions extérieures et intérieures qui embellissent le cœur ; la parure du cœur peut être effective en réalisant le secret de la purification. Le Saint Coran dit à ce sujet :

« Réussit, certes, celui qui se purifie. » (Coran, Al- A’la : 87 : 14)

Cette préparation spirituelle est d’une importance majeure pour accomplir la prière. Dans ce cas de figure, Allah ne fait pas référence au caractère obligatoire (fard), nécessaire (wajib), ou bien à un nombre précis d’unités de prière, mais précise de façon répétitive l’importance de l’humilité, de la sincérité et de la paix qui émane de l’intention initiale (niya). L’importance relative à ces conditions englobe notre existence entière. Ainsi, pour l’orant, le regard spirituel porté sur la prière devient le plus important composant qu’il est tenu d’observer. Le Saint Coran dit à ce propos:

« Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humbles dans leur Salât. » (Coran, Al-Muminun, 23 : 1-2)

Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit :

« Quiconque accomplit correctement ses ablutions, prie à l’heure prescrite, se courbe et se prosterne avec humilité, sa prière s’élèvera comme une lumière éclatante et s’adressera à l’orant en ces termes : « Puisse Allah te préserver de la même manière que tu as observé mes détails ! » Et quiconque n’accomplit pas correctement ses ablutions, ne prie pas à l’heure prescrite, ne se courbe pas et ne se prosterne pas avec humilité, sa prière s’élèvera comme une forme obscure et s’adressera à l’orant en ces termes : « Puisse Allah te négliger comme tu m’as négligé ! »

En conséquence, selon l’énoncé du décret d’Allah, sa prière deviendra un chiffon plié et jeté à la face de l’orant. » (Tabaranî)

On demanda un jour à Shah Bahauddin Naqshband :

« Comment peut-on parvenir à l’humilité dans la prière ? »

Il existe quatre conditions préalables à cela, répondit-il :

1.   Le gain licite.

2.   Rester vigilant en exécutant ses ablutions.

3.   Ressentir la présence d’Allah lors de la prononciation du « Takbir » (Allah est Grand).

4.   Ressentir la présence d’Allah en tout temps ; demeurer paisible et serein ; obéir à Allah après l’accomplissement de la prière. »

L’humilité est une caractéristique si importante dans la prière que le serviteur doit sans cesse la rechercher. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) disait à ce propos :

« Quand l’orant achève sa prière, on lui donne un dixième de sa récompense, ou un neuvième, ou un huitième, ou un septième, ou un sixième, ou un cinquième, ou un quart, ou un tiers, ou une moitié » (Abû Dawud, Salat, 124)

« Beaucoup de gens n’obtiennent même pas un sixième, ou bien même un dixième des récompenses provenant de leurs prières. Ils obtiennent seulement la part de leurs prières accomplies avec humilité. » (Abû Dawud, Nasaî)

Cela signifie en particulier que le serviteur d’Allah recevra sa récompense qu’en fonction de la nature de l’humilité qui aura été la sienne durant l’accomplissement de sa prière.

Les véritables orants sont ceux qui se lèvent pour prier et qui effectuent leurs prières dans l’intention de recevoir l’agrément de leur Créateur. Ils s’engagent eux-mêmes dans une vie de prière, ôtant de leur cœur toute occupation matérielle, l’effectuant de manière à en comprendre les réalités spirituelles. Ils fixent du regard le point précis où ils devront se prosterner, percevant l’attention d’Allah à leur égard. Ils s’extasient et goûtent à un intense plaisir spirituel, car c’est la condition des serviteurs sincères qui possèdent un cœur sain. En d’autres termes, l’humilité demeure le fruit de la sincérité.

Au demeurant, la sincérité fournit aussi aux serviteurs la révérence pieuse et la protection divine nécessaires pour atteindre les plus hauts degrés de la foi. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) disait à ce propos :

« La Bonne Nouvelle appartient à ceux qui sont guidés dans la voie droite. C’est grâce à eux que les conflits importants disparaîtront. » (Fadail- i Amal)

Afin que la sincérité et l’humilité s’enracinent dans le cœur en lui apportant les bénéfices spirituels appropriés, les quatre points suivants doivent être impérativement observés lors de l’accomplissement de la prière :

1. La présence du cœur (hudur al-qalb) : les sentiments doivent être dissimulés derrière l’esprit de la prière, de la louange et de la récitation des versets coraniques. L’orant doit également se détacher de ses préoccupations mondaines, car l’âme qui ne s’en détache pas ne pourra ni se concentrer dans la prière, ni être consciente de la Présence Divine. De plus, si le serviteur saisit réellement la signification de ses paroles prononcées durant la prière, il sera alors en mesure d’atteindre la paix du cœur et de l’esprit. Les bien-aimés d’Allah s’efforcent constamment de compenser non seulement leurs prières incorrectement effectuées mais également celles qu’ils jugent non effectuées avec sérénité de cœur. Toutefois, ce fait ne signifie pas que tout le monde doit impérativement agir de la même façon, mais cela démontre l’importance que la prière nécessite une attention particulière. La paix du cœur est causée par l’effort spirituel, suscitant le désir de se réveiller spirituellement. Cet effort est réalisé en comprenant que la connaissance profonde d’Allah passe nécessairement par la prière.

2. La compréhension du sens des mots (tafahum li-mânâ al-kalam) : comprendre ce que l’on récite, c’est être conscient de ce que l’on récite. La compréhension est un facteur très important car elle se trouve derrière tout cœur paisible. Elle est le pont intermédiaire pour transférer cette condition de paix à toutes les circonstances de la vie.

3. La révérence (Ta’zim) : c’est « demeurer en position d’observation permanente » : c’est-à-dire être en présence du Créateur et maintenir cet état de présence. La pratique de la prière doit se faire en toute sérénité, en restant conscient de la présence d’Allah. Au demeurant, le serviteur se trouvant en présence d’Allah doit prendre garde à tous ses gestes et à sa manière de prier en général. L’humilité et l’accueil de la prière vont augmenter la position de l’orant jusqu’à devenir son intercesseur. En effet, maintenir ces conditions accroît le mérite de la prière ; et une prière maintenant ces conditions intercédera elle-même en faveur du serviteur le Jour du Jugement.

Chacun a tout intérêt de tenir compte de l’avertissement suivant :

« Si tu veux que ta prière s’apparente à un voyage (ou ascension), réfléchis et médite au sujet des bienfaits qu’Allah t’a octroyé et sur l’insuffisance de ta pratique ! Crois-tu que le degré de ta pratique équivaut à ce qu’Allah te donne ? Ton adoration est-elle suffisante pour remercier Allah ? Pense donc au Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) qui avait coutume de dire : « Ô mon Seigneur ! Je n’ai pu Te servir comme il se doit ; de grâce, pardonne-moi ! »

4. La prestance (hayba) : C’est une crainte née de l’humilité du serviteur. Cette crainte lui apporte la conscience de la Grandeur et de la Puissance d’Allah et, de ce fait, la ferveur et la piété sont en mesure de se manifester. La piété résulte de la crainte d’Allah et protège le cœur de l’ignorance. C’est effectivement issu de cette dimension que se trouve le chemin le plus efficace qui accroît la position du serviteur vis-à-vis de son Seigneur. Le Saint Coran dit à ce propos :

« (...) Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux (...) » (Coran, Al-Hujurat, 49 : 13)

Abû Dharr relate :

Un jour, le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) était sorti. C’était l’automne, la saison où les feuilles tombaient. Le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) s’exclama :

« Ô Abû Dharr ! Certes, le musulman (ou la musulmane) qui prie de manière pieuse et sincère verra ses péchés effacés, à l’instar de ses feuilles qui tombent. » (Ahmad, Targib)

5. L’espérance (raja) : Pendant la prière, l’orant est tenu de croire en la Miséricorde d’Allah, puis, une fois celle-ci achevée, il doit adresser à Allah des invocations. Si son cœur ne ressent aucune crainte, il éprouvera alors une grande tristesse et cette dernière lui occasionnera un déséquilibre spirituel. C’est l’espérance présente dans son cœur qui sera à même d’éradiquer ce danger.

6. La pudeur (haya) : La pudeur est l’ornement qui complète les autres mérites de la prière. Le serviteur pudique s’abstiendra de perpétrer des gestes familiers lorsqu’il est en présence de son Créateur. En agissant de la sorte, il deviendra de plus en plus précautionneux, attentif à l’observance des rites et conscient de l’importance que revêt la prière. De surcroît, il ne se fiera pas à ses œuvres comme l’avait déjà souligné à ce propos le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) :

« Nul ne doit se fier à ses œuvres d’adoration (dont la prière) pour espérer recevoir le pardon de ses péchés. » (Fadail-i Amal, 251)

En d’autres termes, accomplir la prière seule ne garantit pas le pardon des péchés ; chacun doit prendre garde à ne pas tomber dans une ignorance imprudente. La pudeur est le meilleur moyen de conscientiser et de protéger les comportements à l’égard du Créateur ; le pardon étant une grâce divine, Allah pardonne car Il est Miséricordieux et Compatissant. Nul n’est capable de prier et de remercier le Seigneur de manière satisfaisante ; toutefois, par un effet de Sa grâce et de Sa bonté, Allah agréera les prières accomplies de manière humble et attentionnée.

En résumé, quiconque n’allie pas le rythme du corps avec la crainte du cœur sera incapable de saisir ce qui constitue la signification essentielle de la prière. Chacun doit donc s’efforcer au mieux de la saisir, tant sur le plan physique que spirituel. Toutes ces choses qui portent préjudice au corps et à l’esprit doivent être absolument écartées pour que l’esprit soit libéré de ce qui pourrait le distraire. A titre d’exemple, les propos du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) tiennent compte des spécificités de l’être humain dans ce domaine précis :

« Lorsque l’heure de la prière et du repas surviennent en même temps, prenez d’abord le repas. » (Bukharî, Muslim)

Dans leurs propos, les savants de l’islam ont particulièrement été sensibles à la manière dont le corps et l’esprit se conjuguent pendant l’accomplissement de la prière. Ils ont métaphoriquement fait remarquer que les prières accomplies par les trois catégories de personnes suivantes ne peuvent en aucun cas être acceptées :

1.   Le chasseur

2.   Le porteur

3.   Le commerçant

Le chasseur représente celui qui promène son regard dans tous les sens alors qu’il est en prière. Le porteur représente celui qui doit renouveler ses ablutions, qui le sait et ne le fait pas. Le commerçant représente celui qui est incapable de se détacher des affaires de ce bas monde. Ces trois catégories de personnes, symboliquement parlant, sont incapables de s’imprégner totalement de leur prière, car aucune sérénité ne les habite. Ils l’accomplissent « seulement pour l’accomplir », et cela n’est pas acceptable pour Allah. Tout ce qui constitue les dimensions essentielles de l’être humain : corps, âme, esprit doit nécessairement être bien disposé avant, pendant et après l’accomplissement de la prière ; c’est la condition indispensable pour que la prière soit valable.

Un jour, le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), en voyant un homme se gratter la barbe au cours de sa prière, dit à son entourage :

« Si la sérénité était présente dans son cœur, toutes les parties de son corps seraient immobiles. » (Tirmidhî)

Ces paroles du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) indiquent de façon claire que l’harmonie du corps et de l’esprit doit être absolument indivisible durant l’accomplissement de la prière.

Il a dit également :

« Quand l’un de vous se lève pour la prière, accomplissez-la, gardant immobile toutes les parties de votre corps ! Ne vous balancez pas comme le font les juifs, car l’immobilité est une condition requise pour que la prière soit valide. » (Tirmidhî)

« Sept choses découlent de Satan pendant l’accomplissement de la prière (c’est-à-dire les choses qu’il affectionne particulièrement) : le nez qui saigne, la somnolence, le doute, le bâillement, se gratter, regarder autour de soi et jouer avec un objet. » (Tirmidhî)

Ces choses empiètent réellement sur l’esprit de la prière. Inversement, si l’orant semble en apparence rempli de crainte révérencielle, bien qu’intérieurement il ne le soit pas, ce n’est là qu’une crainte tâchée d’hypocrisie. Le cœur doit absolument être préservé d’une telle condition.

L’épilogue annoncé concernant cette notion de crainte révérencielle n’est autre que cette invocation du prophète Abraham (que la paix soit sur lui) citée dans le Coran :

« Ô mon Seigneur ! Fais que j’accomplisse assidûment la Salât ainsi qu’une partie de ma descendance ; exauce ma prière, ô notre Seigneur ! » (Coran, Ibrahim, 14 : 40)

Pour pouvoir accomplir convenablement la prière, Hatem ibn Hicham suggère les points suivants :

« Tout d’abord, préparez-vous de la meilleure façon. Puis, placez la Ka’ba entre vos sourcils ; le pont Sirat sous vos pieds ; le Paradis à votre droite ; l’Enfer à votre gauche ! Entrez en présence d’Allah, partagé entre la crainte et l’espoir, imaginant Azraîl (l’Ange de la mort) prêt à recueillir votre âme ; imaginez également que vous êtes en train d’accomplir votre dernière prière sur terre ! Commencez à prier consciencieusement, disant « Allah est Grand » ! Récitez lentement le Coran en réfléchissant à sa signification ! Faites en sorte que votre âme se courbe avec révérence et se prosterne humblement. Que votre corps suive toutes les conditions requises à la bonne exécution de la prière ; laissez votre âme demeurer constamment en prosternation ; ne permettez pas la séparation de cette union, ne serait-ce que le temps d’un soupir. »

L’imam Ghazalî mena une fois une discussion au sujet de la station assise durant la prière (tahiyat). Il disait que cette station particulière était une expression d’amour à l’égard du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix). Il donna à ce propos un exemple d’une importance majeure : durant la prière, il est nécessaire que le cœur soit en paix, comme le démontre l’exemple suivant :

« Au cours de la première et de la dernière station assise, il est requis d’imaginer le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) placé entre les yeux du cœur, au moment où l’on dit : Ô Prophète, que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur toi ! »

Cette salutation particulière date de l’Ascension du Prophète vers les cieux (Mira’j). On lui avait dit : « Ô Messager ! Que la paix et la miséricorde d’Allah soient sur toi dans ce monde et dans l’Autre ». Ces paroles qu’on lui avait adressées personnellement ont été pour lui une exceptionnelle glorification.

La prière est l’ascension du croyant ; elle pourvoit aux besoins de ceux qui méditent profondément sur sa signification, héritant de ce fait de toutes les grâces divines qui y sont reliées.

Par conséquent, au cours de la prière, chaque être devrait tirer profit des bénédictions envoyées sur le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix). Chaque prière doit rappeler l’ascension du Prophète vers les cieux ; son ascension restant la mystérieuse transfiguration de l’amour d’Allah à son égard. L’attestation de foi, énoncée juste après les salutations sur le Prophète, montre à bien des égards l’importance de ces salutations qui lui sont destinées. Ainsi, la constitution de la prière est semblable à un volet de fenêtre ouvert à partir de l’islam essentiel. Les amoureux d’Allah s’approchent de Lui par le biais de ce volet, contemplant les transfigurations et les réalités sublimes inhérentes au Mystère Divin. De plus, personne n’a la possibilité d’acquérir une foi parfaite sans réaliser, à côté de la référence attachée au Nom d’Allah, le mystère lié aux bénédictions adressées au Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), ainsi que l’énonciation de la profession de foi.

En conséquence, Allah le Très-Haut enjoint aux croyants de formuler toutes sortes de bénédictions sur le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), pareil à un éclat de tendresse qui lui serait destiné. Cette expression particulière est mentionnée dans un verset coranique dans lequel Allah et Ses anges adressent des salutations au Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) :

« Certes, Allah et Ses anges prient sur le Prophète ; Ô vous qui croyez, priez sur lui et adressez (lui) vos salutations. » (Coran, Al-Ahzab, 33 : 56)

En conséquence, tous ceux qui prient et qui adorent le font avec enthousiasme et ne se préoccupent pas des soucis de ce bas monde ; d’ailleurs, ils n’en tiennent même pas compte.

Jalâl-ud-Dîn Rumî (qu’Allah bénisse son secret) disait à ce sujet :

« Ces gens sortent de ce bas monde dès le moment où ils entrent en prière ; ils sont comparables à la condition des animaux de sacrifice avant qu’ils ne soient mis à mort. »

Puis, en interpellant l’orant :

« Tu pries, dressé comme une bougie dans l’alcôve de la mosquée, indiquant la direction de La Mecque. Sois attentif et tâche de saisir la signification de la toute première formulation, celle qui se trouve au début de la prière : Allah est Grand (Allahu Akbar), ce qui signifie substantiellement : Ô Seigneur ! En Ta présence nous nous sacrifions ! Et en plaçant nos mains près de nos oreilles, nous abandonnons toute chose pour nous diriger vers Toi !

Le fait de dire : ‘Allah est Grand’ au début de la prière est équivalent à dire ‘Allah est Grand’ en perpétrant un sacrifice. Dire ‘Allah est Grand’ au début de la prière, c’est avoir abattu toute empreinte de sensualité. »

« A ce moment-là, ton corps ressemble à celui d’Ismaël et ton âme à celle d’Abraham (Que la paix d’Allah soit sur eux). Quand ton âme s’exclame : ‘Allah est Grand’, ton corps s’éloigne des choses sensuelles et passionnelles ; et quand tu dis : ‘Au Nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux’ (Bismillahi Rahmani Rahim), ces choses-là sont sacrifiées. »

« Le Jour du Jugement, les croyants seront placés en rang devant Allah ; ils commenceront à rendre compte de leurs actions et feront appel à Lui. »

« Se tenir dans la prière et pleurer à cette occasion équivaut à se tenir devant Allah au Jour du Jugement Dernier, au moment de sortir du tombeau. Allah te questionnera et te demandera : ‘Comment as-tu employé ton temps ici-bas ?’, ‘ Qu’y as-tu gagné et que M’as-tu rapporté ?’. Sache qu’il y aura beaucoup d’autres questions de ce genre. »

« En station debout (qiyam), le serviteur récite le Coran. Il est couvert de confusion puis s’incline, ne pouvant plus demeurer dans cet état à cause de la honte qu’il ressent, En s’inclinant, il glorifie Allah : ‘ Gloire à mon Seigneur, l’Immense’ (Subhana Rabbi al’Azim). Ensuite, Allah ordonne au serviteur : ‘Lève la tête et réponds aux questions !’ Honteux, le serviteur lève la tête ; ne supportant pas non plus cette condition, il se prosterne face contre sol. Puis il lève de nouveau la tête et se prosterne une nouvelle fois, incapable de soutenir un tel état. Ensuite Allah lui dit : ‘Lève la tête et réponds ; je te questionnerai sur tout ce que tu as accompli durant ta vie terrestre’. La parole qui lui est adressée est si puissante qu’il ne peut la supporter, puis il s’assoit sur ses genoux fléchis. Allah lui dit : ‘Je t’ai accordé de nombreux bienfaits, qu’est-ce que tu en as fait ? Ai-je reçu des remerciements de ta part pour cela ? En outre, Je t’ai offert des biens matériels et spirituels, quels en ont été les bénéfices ?’ Puis le serviteur tourne son visage à droite, salue l’âme du Prophète, ainsi que les anges et formule l’invocation suivante : « De grâce, intercédez auprès d’Allah pour moi, je ne suis qu’un pauvre serviteur (littéralement : qui est dans la boue de la tête aux pieds). »

« Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) lui répond alors : ‘Le temps propice au secours et au réconfort est terminé. Les bonnes résolutions devaient être prises dans ce bas monde. Tu n’as accompli aucune bonne action ; tu n’as pas mis en pratique ta foi ; tu as perdu ton temps !’ Ensuite le serviteur tourne son visage à gauche et sollicite l’aide de ses proches. Ces derniers lui répondront : ‘Ne nous demande pas de t’aider. Qui sommes-nous donc ? C’est à toi de répondre à ton Seigneur’ ! »

« Le serviteur n’est secouru ni d’un côté ni de l’autre et il est désemparé. Ayant abandonné tout espoir de recevoir de l’aide, il fait appel à Allah et cherche refuge auprès de Lui. Ouvrant les mains, il implore son Créateur : ‘Ô mon Seigneur ! dit-il, j’ai abandonné tout espoir venant de qui que ce soit. Seigneur ! Tu es le Premier et le Dernier, l’Unique vers lequel tes serviteurs font appel ; le Dernier vers lequel ils se tournent. Je me réfugie en Toi. Je me réfugie au sein de Ta compassion et de Ton infinie miséricorde’. »

Rumî poursuit :

« Considère de façon positive les différents signes de la prière. Sois conscient de ce à quoi tu feras face. Rassemble-les ensemble et tâche de bénéficier physiquement et spirituellement de ta prière. (Lorsque tu te prosternes), ne pose pas la tête comme un oiseau qui picore graine après graine ! Prend garde à cette parole du Prophète : ‘Le plus mauvais des voleurs est celui qui dérobe quelque chose de la prière’. » (Hakim, Mustadrak, I, 353)

« Tout homme qui prie avec humilité et qui sollicite Allah en ayant conscience de Son amour se verra offrir de Sa part ce merveilleux compliment : ‘Je suis à ton service’. »

Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit aussi à propos de l’humilité dans la prière :

« Deux personnes sont en train de prier séparément au même endroit et en même temps ; pourtant, il existe une grande différence entre eux, comme la différence qu’il y a entre le ciel et la terre. » (Ihya)

De plus, le Coran fait remarquer que les vrais croyants sont ceux qui accomplissent correctement et avec humilité leur prière : « Et qui sont réguliers dans leur Salât. » (Coran, Al-Ma’arij, 70 : 34)

Il est également stipulé dans la même sourate : « (Ceux) qui sont assidus à leur Salât » (Coran, Al-Ma’arij, 70 : 23)

Les sages ont interprété ce verset comme suit :

« L’intention explicite de ces versets consiste à exprimer ce que signifie l’esprit de la prière. A première vue, cet esprit n’est pas seulement une manifestation extérieure voire mécanique qui demeure figée ; mais c’est cet esprit qui permet au serviteur de s’incliner et de se prosterner. Prier dans un tel esprit : c’est se souvenir d’Allah à chaque instant. »

Jalâl-ud-Dîn Rumî (qu’Allah bénisse son secret) donne également une interprétation métaphorique de ce verset :

« Cet état de prière est maintenu en tout temps par le serviteur. Il demeure humble et bienséant au cours de sa vie, préservant de ce fait son âme et ses paroles. C’est là le chemin emprunté par ceux qui aiment vraiment Allah. »

Rumî poursuit :

« La prière effectuée cinq fois par jour nous éloigne des œuvres mauvaises. Les bien-aimés d’Allah, eux, sont constamment en prière ; le feu qui brûle à l’intérieur de leur cœur ne peut pas les apaiser et ils ne peuvent pas se contenter des cinq prières quotidiennes. »

« La prière de l’amoureux d’Allah est semblable à la condition d’un poisson dans l’eau. A l’instar du poisson qui ne peut vivre en dehors de l’eau, l’âme de l’amoureux ne peut rester en paix sans demeurer en état de prière continue. La vie du poisson est dépendante de l’eau, tandis que la vie de l’amoureux est dépendante de son état de prière continue. Par conséquent, l’expression ‘visite moi peu’ ne concerne pas les amoureux d’Allah puisque leur âme demeure toujours assoiffée. »

« Si l’amoureux est séparé de l’objet de son amour, ne serait-ce qu’un instant, cela lui semblera des milliers d’années. S’il passe des milliers d’années en sa compagnie, cela lui semblera un instant. C’est pourquoi l’amoureux d’Allah demeure constamment en prière et c’est par ce biais qu’il peut rencontrer Allah. S’il manque, ne serait-ce qu’une unité de prière, c’est comme s’il en avait manqué des milliers. »

« Ô homme sage et avisé ! L’union qui s’établit entre toi et Allah au cours de la prière ne peut pas être comprise que par la seule intelligence. Elle ne peut être comprise que par le sacrifice de l’intelligence au profit de la revivification du cœur. C’est ainsi que l’on parvient à la proximité du Très Rapproché. La revivification du cœur est proportionnelle à l’orientation (qibla) qu’emprunte le croyant. »

Rumî développe le sens de cette orientation comme suit :

« La couronne et la ceinture sont l’orientation des rois ; l’or et l’argent sont l’orientation des mondains ; les idoles sont l’orientation des païens ; le cœur et l’âme sont l’orientation des gens d’esprit ; l’alcôve de la mosquée est l’orientation des ascètes ; les tâches inutiles sont l’orientation de l’insouciant ; manger et dormir sont l’orientation du paresseux ; la connaissance et la sagesse sont l’orientation des êtres humains.

L’union éternelle est l’orientation de l’amoureux ; la Face d’Allah est l’orientation du sage ; la richesse et la prospérité sont l’orientation des mondains ; les conditions fournies par les ordres religieux sont l’orientation des derviches ; les désirs mondains sont l’orientation de la passion ; tandis que placer sa confiance en Allah est l’orientation des gens du confinement.

Nous devons prendre conscience que la direction vers laquelle nous nous tournons lorsque nous prions n’est pas la Ka’ba matérielle, mais l’endroit exact où elle est située. Si la Ka’ba était déplacé à un autre endroit, elle ne serait plus l’orientation requise pour l’accomplissement de la prière. »

En conséquence, nous devons orienter notre cœur vers Allah tout en orientant notre corps vers la Ka’ba, car Allah est l’orientation de notre cœur.

D’autre part, disposer d’une intention parfaite est indispensable pour pouvoir accomplir la prière d’une manière humble, étant en accord avec ce que disait le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) : « Les actes ne valent que par leurs intentions ». Ces paroles nous invitent à réaliser la nature de la présence qui nous accompagne durant notre prière. Cela requiert l’examen des désirs de notre cœur, ainsi que la séparation de toute aspiration contraire à l’approbation d’Allah.

Dès le début de la prière, en proclamant ‘Allah est Grand’ (Allahu Akbar), le serviteur doit donc être en mesure de ressentir la présence d’Allah. Dès qu’il lève les mains au niveau des oreilles pour commencer la prière, toute chose est mise en arrière ; le serviteur ressent alors le plaisir incommensurable que procure la présence d’Allah dans son cœur. En effet, il réalise qu’il a quitté ce monde éphémère au profit du monde futur dès le moment où sa prière a été engagée. Il fixe du regard le point précis où il posera le visage lors de la prosternation ; il sait qu’il est en présence d’Allah, qu’il est un être dénué de puissance, qu’il a besoin de Lui. Ce serviteur prend place parmi les autres serviteurs et Allah lui adresse ce compliment particulier : ‘Quel bon serviteur !’. Il récite également le Noble Coran avec application, tachant d’en comprendre le sens et d’appliquer ses enseignements dans sa propre vie. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit :

« Réciter le Coran, c’est parler avec Allah. » (Abû Nuaim, Hilya, 7,99)

C’est pourquoi l’âme doit demeurer vigilante lors de la récitation du Coran.

Ensuite, en s’inclinant (rukû), le serviteur médite sur la Grandeur d’Allah tout en prononçant ces paroles : ‘Gloire à mon Seigneur, l’Immense’ (Subhana Rabbi Al ’Azim). Puis, en prononçant : ‘Gloire à mon Seigneur, le Très-Haut’ (Subhana Rabbi Al A’la) au cours de la prosternation (sujûd), le serviteur ressent de nouveau la grandeur d’Allah (car c’est pendant la prosternation que le serviteur est le plus proche d’Allah).

S’il prend vraiment conscience de cette réalité, son âme se prosternera en même temps que son corps. En accomplissant cela, il obtiendra le bénéfice associé au verset coranique : « (...) Prosterne-toi et rapproche-toi. » (Coran, Al-‘Alaq, 96 : 19), il se réjouira d’être uni à Allah et tâchera de prendre sa place parmi les amoureux qui désirent ardemment recevoir Son amour.

Ensuite, quand vient la fin de chaque cycle de prière (composé de deux unités), le serviteur, assis bien droit, conserve cette attitude révérencieuse, percevant la mesure de son impuissance et appelant la miséricorde d’Allah sur lui.

Au moment de compléter sa prière, le serviteur tourne la tête à droite puis à gauche, en adressant simultanément ces paroles aux deux anges (chargés d’inscrire ses actions) : « Que la paix et la miséricorde d’Allah soient sur vous » (Assalamu alaykum wa rahmatullah). En conséquence, sa joie est parfaite parce qu’il est uni avec Allah par la prière, partageant également ce sentiment avec les deux anges présents de chaque côté de ses épaules. Lorsque la prière est acceptée par Allah, ces deux anges renvoient les salutations qui leur ont été adressées.

Une telle prière, accomplie avec cet esprit, est largement récompensée dans la vie future comme cela est stipulé dans le Coran :

« Paix sur vous, pour ce que vous avez enduré ! Comme est bonne votre demeure finale ! » (Coran, Ar-Ra’d, 13 : 24)

Des qualités exigeantes telles que l’humilité, la bienséance et l’union avec Allah dans l’accomplissement de la prière ne sont pas hors de portée des hommes. En effet, le plaisir spirituel éprouvé pendant l’accomplissement de la prière ne doit pas être simplement considéré comme un « élément décoratif ». Les prières du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), tel qu’il nous les a enseignées, présentent des caractéristiques qui transcendent une pareille appréciation. De surcroît, les prières représentatives de ses compagnons et des bien-aimés d’Allah qui les ont suivis sont pour nous, en quelque sorte, semblables à des conseillers spirituels.

La Prıère Du Prophète Muhammad
(qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix)

On raconte que lorsque le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) était en prière, les gens qui l’entouraient avaient l’habitude d’entendre comme un son qui sortait de sa poitrine et qui ressemblait à des pleurs. Ali (qu’Allah soit satisfait de lui) avait observé ce phénomène et s’en est souvenu :

« Pendant la bataille de Badr, j’ai vu le Prophète alors qu’il priait sous un arbre. Il priait et il pleurait en même temps. Le plus surprenant, c’est qu’il est resté toute la nuit ainsi » (Fadail al-Amal, 299)

Il était parfois dans un tel état que de sa poitrine sortaient des sonorités semblables à une marmite en ébullition.

Aïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle), son épouse, disait à ce propos :

« Nous avions coutume d’entendre des sons qui sortaient de la poitrine du Prophète ; elle laissait entendre le bruit d’une marmite en ébullition. » (Abû Dawud, Salat, 157 ; Nasaî, Sahv, 18)

Aïcha a dit aussi :

« Le Prophète avait coutume de converser avec nous. Mais quand venait l’heure de la prière il était tout autre, comme s’il ne nous avait jamais connus, et il se tournait vers Allah. » (Fadail al-Amal, 299)

C’est pourquoi il est nécessaire de profiter de la bénédiction attachée à ce type de prière afin qu’elle puisse devenir l’objectif principal de nos âmes. Pourtant, force est de constater que cet objectif est loin d’être atteint ; dans tous les cas, il faut toujours s’efforcer d’aller dans ce sens. En d’autres termes, nous devons admettre que la prière du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) est un exemple idéal pour nous. Plus nous nous approcherons de cet idéal, plus les bénéfices que nous recevrons seront conséquents.

Il faut souligner ici qu’aucune œuvre humaine ne peut être accomplie de manière parfaite sans qu’elle n’ait été préalablement expérimentale. Ainsi en est-il de la prière. D’abord, elle s’apparente à une forme d’imitation ; ensuite, l’orant prend le temps nécessaire pour améliorer sa condition et atteindre la perfection ; à l’instar de l’artiste qui a besoin de temps et d’expérience pour produire une œuvre parfaite. Toutefois, celui qui ne peut pas effectuer parfaitement sa prière ne doit pas perdre espoir : il doit néanmoins continuer et persévérer dans cette voie jusqu’à ce qu’il atteigne enfin la perfection. A l’image d’un homme qui doit tamiser des tonnes de terre pour obtenir un gramme d’or, l’orant doit persévérer dans son effort pour atteindre la perfection et la paix dans la prière.

Eprouver un sentiment particulier au cours de la prière est une réelle nécessité. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a décrit ce sentiment comme suit :

« Priez comme si c’était votre dernière prière ! Ne dites rien qui pourrait vous désoler par la suite ; ne penchez pas vers les choses que les insouciants désirent ! » (Ibn Maja, Zuhd, 15)

Les compagnons du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), ainsi que tous ces saints d’Allah qui les suivirent, ont constamment tendu vers cet objectif reconnu par cette parole susmentionnée.